Désordre, hasard et lumière : ce que l’univers nous apprend sur le travail et le sens

Et si la quête de sens au travail était une nécessité physique ?

Et si la compréhension de l’univers pouvait nous éclairer sur nos manières de collaborer, d’innover, de manager ou de s’effondrer ?

C’est l’étrange et stimulante résonance que provoque l’écoute du podcast Sismique, épisode 96, dans lequel le physicien David Elbaz pose une question vertigineuse : l’univers a-t-il un sens ?

Spoiler : la réponse pourrait bien être oui, au-delà de ce que nous pouvons imaginer !

L’univers n’est pas absurde, et nos organisations non plus

Dans cet échange passionnant, Elbaz rappelle que le chaos pur n’existe pas. Même dans un système en désordre, la nature produit des formes, des structures, de l’information, du lien.

Et ce n’est pas une exception : c’est une loi. L’entropie (c’est-à-dire la tendance au désordre avec perte d'énergie et augmentation de l'incertitude) n’empêche pas la création, elle en est le moteur.

Cool vu l'actualité !

Traduction dans le monde du travail :

Nos organisations vivent aujourd’hui une instabilité permanente. Turn-over, burn-out, complexité, changements de cap, injonctions contradictoires, IA, durabilité. Il est tentant de chercher à tout maîtriser. De normer. De « gérer le chaos ». Pourtant, l’enseignement cosmique est clair : le désordre n’est pas forcément une erreur de management. C’est parfois une condition pour faire émerger du sens nouveau.

L'entropie, c'est quoi ? (en 5 points, promis !)

D'où ça vient ? De la thermodynamique : l'entropie mesure la tendance naturelle d'un système à aller vers des états plus probables, donc plus désordonnés.

Que signifie « désordre » ici ? Dispersion de l'énergie et de l'information.

Pourquoi c'est intéressant ? Parce que les systèmes fermés s'épuisent et les systèmes ouverts (qui échangent de l'énergie, de la matière, de l'information) peuvent maintenir de l'ordre local et créer des formes nouvelles.

Transposé au travail ? Une organisation close s'étiole (rigidité, rotation à vide). Une organisation perméable et apprenante transforme les perturbations en ressources.

Conséquences managériales : il s'agit de profiter de l'entropie, de l'orienter, de créer des circulations qui rendent la tendance au désordre utile.

L’entropie au travail : stop ou encore ?

Dans la logique thermodynamique, un système fermé tend vers l’épuisement. Il meurt. Il perd en énergie utile. Il « s’éteint ».

Et si c’était aussi vrai dans les entreprises ?

Une équipe coupée du réel, des émotions, des conflits, de la société… finit par tourner à vide. Elle s’épuise. Elle perd le sens de ce qu’elle fait.

À l’inverse, une organisation qui accepte la circulation d’énergie, d’idées, de tensions, est peut-être moins « efficace » à court terme… mais elle reste vivante et se tourne vers le long terme.

Imaginez une entreprise, appelons-la Olympe.

C'est une start-up de conseil en transition écologique et sociale. Dès sa création, l’équipe fondatrice a fait un pari risqué : ne pas chercher à éliminer le désordre, mais à l’écouter, pour le transformer en force.

Chaque lundi, les équipes démarrent par un « point chaos », une demi-heure pour partager ce qui déborde : tensions internes, imprévus clients, signaux faibles, émotions, doutes. Ici, l’instabilité n’est pas taboue : elle est vue comme une information précieuse, un flux à canaliser. Chez Olympe, vous pouvez entendre dire : « Ici, on parle de ce qui dysfonctionne pour éviter que cela se rigidifie ».

Cette approche a conduit Olympe à repenser ses outils internes :

  • Des espaces de coordination asynchrones, basés sur des tableaux évolutifs plutôt que sur des plannings figés.

  • Une rotation des rôles de facilitation dans les projets, pour redistribuer les responsabilités selon l’énergie et les compétences du moment.

  • Une stratégie « vivante », révisée tous les trois mois collectivement à partir des signaux du terrain, y compris ceux perçus comme inconfortables.

Olympe cherche à accepter l'entropie comme donnée naturelle. Résultat : une entreprise imparfaite et robuste.

Des chercheurs comme Richard Barrett parlent d’entropie culturelle (2010) : c’est le niveau d’énergie gaspillée par une organisation dans des frictions internes, des incompréhensions ou des egos en conflit. En France, le baromètre Kéa Partners (cité par David Langlade) évalue cette entropie culturelle à environ 22 % en moyenne. Dit autrement : près d’un quart de l’énergie investie au travail ne sert pas la mission de l’entreprise. Et ce chiffre monte dans les grandes structures en silos, alors que les petites organisations, plus perméables et proches du terrain, tendent à mieux canaliser ce désordre.

Le sens est un mouvement

Dans le podcast, David Elbaz propose une lecture du « sens » très éclairante.

Le sens ne serait pas une explication ou un but ultime, ce serait plutôt la mise en lien entre différentes particules, éléments, systèmes.

Et si on appliquait ça au monde professionnel ?

Chercher du sens au travail ressemble souvent à une quête pour « trouver une mission sacrée ». Cela peut aussi simplement vouloir dire :

  • Relier ce que je fais à ce que je vis.

  • Me sentir relié·e à d’autres.

  • Être en lien avec la réalité du terrain, de la société, du vivant.

Dans cette perspective, le management du sens est quand même plus pertinent qu'une affaire de slogans ou de bullshit corporate.

Un appel à repenser nos récits

Ce que ce podcast nous souffle, au fond, c’est ceci :

  • Le monde est instable.

  • Le hasard existe.

  • Dans cette instabilité surgit la vie, la beauté, le lien.

Pourquoi alors s’acharner à vouloir rendre le travail seulement prévisible, linéaire et mesurable ?

Et si on imaginait des organisations plus perméables à l’inattendu, à la vulnérabilité, à l’imperfection (c’est-à-dire à la vie) ?

On y va ?

Pour aller plus loin :

Podcast Sismique - épisode 96 : L’univers a-t-il un sens ? (avec David Elbaz). Écouter ici

Barrett, R. (2010). High Performance – It’s All About Entropy. Barrett Values Centre. PDF en ligne

Langlade, D. (2019). L’entropie culturelle et le bonheur au travail, citant le baromètre Kéa Partners – Barrett Values Centre – OpinionWay. En ligne


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