Tribune “indé” : Et si on prenait les références de nos futurs managers ?
Pendant plusieurs années, j’ai travaillé dans un cabinet de recrutement spécialisé dans les postes de cadre et de direction.
Mon job, c’était d’évaluer des profils. De chercher des signaux faibles. De comprendre ce qui, chez une personne, faisait LA différence.
Dans ce processus, il y avait une étape un peu solennelle : la prise de références.
Elle arrive souvent en fin de parcours, quand la décision est presque prise, mais qu’on veut encore “valider”.
Alors on appelle un ou deux anciens collègues, idéalement le ou la N+1 dans le poste précédant, et on pose des questions :
Quels étaient ses points forts ?
Comment il/elle réagissait sous pression ?
Si vous en aviez l’opportunité, est-ce que vous retravailleriez avec cette personne ?
Je les ai posées, ces questions.
Et un jour (ce n’est pas une révélation, juste un petit titillement intérieur), je me suis demandée :
Mais pourquoi les candidates et candidats ne prendraient-ils/elles pas aussi les références de leur futur.e boss ?
Car au fond, un recrutement, c’est un engagement dans les deux sens, non ?
La personne recrutée s’apprête à donner son temps, son énergie, sa confiance… parfois même un petit bout de sa santé.
Et pourtant, elle n’a que très peu de visibilité sur celle ou celui avec qui elle va passer ses journées.
Pas de coups de fil discrets à d’anciens membres de l’équipe.
Pas de :
Elle était du genre à valoriser ou à micro-manager ?
Il savait écouter vraiment ?
Elle savait faire des feedbacks clairs, elle savait accueillir les feedbacks ?
Non.
Le doute, l’enquête, la validation… concernent principalement les candidat·es.
Le reste est supposé aller de soi.
Statut = fiabilité.
Et pourtant.
On en croise, des managers qu’on aurait bien aimé pouvoir “référencer” en amont.
J'imagine que beaucoup auraient aimé savoir à quoi s’attendre.
Entendre, peut-être, une ancienne collègue dire :
“Il a une vision, c’est sûr… mais la communication, c’est pas son fort.”
Ou simplement : “Personnellement je n’ai pas aimé travailler sous sa direction, elle ne donne pas vraiment sa confiance."
C’est pareil pour les certificats de travail, une véritable institution en Suisse (info pour les personnes qui nous lisent et qui ne travaillent pas en territoire Helvète).
On les lit, comme des oracles, pourtant ils sont unilatéraux, et même si la loi autorise la personne ex-employée à demander des modifications, dans les faits, il faut souvent batailler, et souvent renoncer.
On en reçoit un. Mais on n’en rédige pas.
Et en en discutant avec différentes personnes, j'entends souvent la phrase suivante : “j’aurais bien aimé en écrire un certificat sur mon ou ma manager.”
“A fait de son mieux, peut parfois faire preuve de maladresse"
“Manager brillant intellectuellement mais peut progresser sur l’écoute active.”
“Expérience très enrichissante, en particulier pour développer sa résilience.” LOL
Alors voilà.
Ce n’est pas un plaidoyer pour l’inquisition RH.
Juste une invitation à rééquilibrer les regards. Vous imaginez vous, si chaque manager recevait une évaluation en fin de collaboration que les futurs employeurs doivent sur demande fournir aux personnes qui postulent ? C'est très disruptif ça ! Cela pourrait freiner la trop grande place à l'ego et aux narcissisme de certaines postures managériales.
Se dire que le pouvoir de recommander (ou non) ne devrait pas appartenir à un seul camp.
Et qu’une simple question, posée dans l’autre sens, pourrait parfois changer beaucoup de choses.